Galère annoncée pour les Sans-Papiers.

Publié le par Jeunes Communistes

Lu dans l'Humanité du 03_01_2008.

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Galère annoncée pour les sans-papiers

Immigration . 21 000 expulsés l’an dernier, 26 000 souhaités en 2008 : la surenchère contre les étrangers dits illégaux provoque un début de révolte dans les centres de rétention.

Le Mesnil-Amelot, puis Vincennes, peut-être aujourd’hui ou demain Palaiseau, Choisy-le-Roi, Saint-Exupéry à Lyon… Les manifestations contre les conditions d’interpellation des étrangers vont, à l’intérieur même des centres de rétention, de l’affichage pacifique des slogans sur des tee-shirts, à des grèves de la faim plus ou moins sporadiques, en passant par des refus de rejoindre les chambres à l’heure du couvre-feu. Résultat, au Mesnil-Amelot (77), il n’y a eu aucune violence. Abou N’Bianor, professeur de mathématiques en France depuis six ans, arrêté après une convocation en préfecture pour vérifier où en était son recours et enfermé au Mesnil-Amelot, a cherché à faire le point, avec ses compagnons d’infortune, sur leur situation. Il a découvert, entre autres, un consultant financier avec une femme française, en France depuis dix-neuf ans, qui n’avait pu faire renouveler son titre de séjour parce qu’il était hospitalisé ; un jeune Congolais dont la mère est morte et dont le père, en situation régulière, est très malade ; une personne qui avait obtenu quatre fois un titre de séjour et se l’est vu refuser à la cinquième demande, personne qui a depuis été expulsée. La disproportion entre les situations et la peine encourue, par manque d’étude des dossiers, l’a révolté. Il a donc rédigé des cahiers de doléances et entrepris d’afficher des slogans sur les tee-shirts : « Liberté, Égalité, Fraternité », « Suis-je un humain ? », « France, pays de mon enfance ». Le directeur du centre a écouté, a promis de s’occuper de ce qui était de son ressort, d’informer ses supérieurs pour ce qui ne l’était pas. Abou a finalement été transféré à Vincennes, où il a continué à semer sa graine de contestation. Il a été libéré, son transfert ayant été entaché d’un vice de procédure.

Interventions musclées

À Vincennes, le mouvement de contestation a été pris par la direction du centre avec beaucoup moins de doigté. Le refus de répondre au couvre-feu a été marqué, trois fois en début de semaine, par des interventions musclées de la police. Au lieu de calmer le jeu, elles ont suscité une veille des associations devant le centre, une mobilisation de la presse et l’intervention de soutiens de renom (lire par ailleurs). Les grévistes de la faim sont une dizaine au Mesnil-Amelot, certains dans un état d’épuisement sensible. Ils sont plus sporadiques à Vincennes. À l’évidence, les actions collectives restent très difficiles pour des gens qui défendent leur peau, mais « aujourd’hui, il n’y a que cette solution », défend Abou. Les sans-papiers du Mesnil-Amelot appellent dès aujourd’hui à occuper les abords de tous les centres de rétention administrative (CRA) en France et en Europe. Ils demandent à l’ensemble de leurs soutiens de se rendre tous les jours à 15 heures devant ces CRA afin d’exiger leur fermeture immédiate et l’arrêt non moins immédiat de toutes les expulsions. Pour leur part, le 9e collectif des sans-papiers appelle à une « marche sur Vincennes » à partir de 16 heures aujourd’hui et la coordination - nationale à un rassemblement au Châtelet, demain à 14 heures.

Réguler les flux migratoires

Nouveauté de ce mouvement : les revendications ne portent pas tant sur les conditions de rétention mais sur la politique qui y mène. Et ce en droite ligne de la manifestation prévue le 19 janvier contre la politique d’enfermement qui menace d’être accentuée par la directive européenne qui doit venir en discussion prochainement (lire par ailleurs). De fait, Nicolas Sarkozy n’a pas caché sa volonté, pendant de la présidence française de l’Union, d’harmoniser la « régulation des flux migratoires ». Sa conception même de l’Union de la Méditerranée tourne autour de cette problématique. Symptomatique, dans ses voeux, il a oublié de mentionner les victimes de sa politique migratoire.

Émilie Rive

Publié dans Revue de presse

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